ICI
C'est le journal d'ici
ICI comment dire? Ici
un lieu
une place
une petite comète dans l'univers
aux senteurs délicieuses
de thym romarin lavande parfumée violette
Je suis là
j'ai tout laissé de mon ancien passé
même la plus belle planète a des écueils
Je m'échappe dans le vertige
quand je regarde les cimes je m'y noie
verticalement en voyage
je hais l'horizontalité
je préfère flirter avec les nuages
ils durent s'attardent et fuient
Je m'emporte avec eux
rien ne vaut de rester ici
sous mon arbre au nom liquide
MICOCOULIER
quelle étrange aventure que ce qui nous advient
je tourne les cartes
« choisis-en une »dit-il
et c'est ainsi qu'elle tomba sur REFLEXION
Etrange aventure que de réfléchir sur l'ICI
je n'ai pas l'habitude puisque j'ai d'entrée choisi l'ailleurs PRIMO
secondo la réflexion n'est pas mon fort
j'aurais plutôt tendance à aimer divaguer
tertio je ne tiens pas en place
l'ICI est un territoire aux multiples facettes que jévite
de peur de me confronter aux murs de l'inévitable
J'aime EVITER
sourire d'évitement
c'est une stratégie confortable où règne la LIGNE
la ligne de fuite
où je me promène allègrement
Donc ICI serait le lieu de l'étrange aventure humaine
un jour ici un jour là
un jour vivant un autre jour absent
j'ai dérivé sur la LIGNE et me voilà AILLEURS
que j'essaie de dire en précisant les signes
je peux décliner les choses
sachant bien que « les choses sont les choses », dit Pessoa
et qu'ainsi quelque certitude de l'exister peut s'installer ICI
la myrte sur la tombe
le thym dans la soupe
la ligne des crêtes bleu sombre à l'aube
les pierres érodées qui s'effritent
le jaune des genêts
l'heure régulière de la cloche
le soleil baisse et la lumière s'affaiblit
la journée va finir
repos de l'ICI
je vais nager sur d'autres lignes noires et blanches
comme la musique noire et blanche
comme d'autres visages nous éloignant de l'étroite demeure
D'ICI
je voyage dans la pénombre des corps
dans la vie des autres
je regarde rien d'autre n'accroche que cette terre imaginaire
cette autre vision des CHOSES
les choses tues
les choses dites
les sussurées murmurées inaudibles
les rêves les ports les aérogares
où tu fuis ils fuient
toutes les vies sont ICI
aucun doute puisque surgissent des croisements
des réseaux
des myriades d'étoiles que sont leurs histoires
leurs lieux leur multitude
qui jamais ne se repose
afin d'EVITER la grande paix de l'allongement certain
Ma petite maison est bien calfeutrée entre les herbes
nous y vivons de peu sous l'ange de l'amour
Qu'est-ce? L'amour? Le chagrin?
Nous parlons des choses
du pain quotidien
de la rosée fraiche des jours
de la fatigue sur les yeux
du bruit du monde auquel nous tournons le dos
Ma petite maison sent bon derrière les oliviers de la colline
on la voit peu
discrète comme une apparition
une illusion de nous
une cavalcade de nos sens en éveil
un ICI presqu'invisible
dont je dis « je m'en souviendrai »
et je continue de parler de ces souvenirs qui n'existent pas encore
J'ai beau parler
je sens que je n'existe pas
je me demande ce qu'est EXISTER
ce mot impressionne
il a de multiples facettes
Etre serait plus circonscrit
mais je n'en suis pas LA
j'ai beau dire
il reste un mystère où ma mère se repose
et moi je recompose
j'erre dans la recomposition
je dis/vague sur la LIGNE
je m'y sens absentée
il y a de quoi rire
isn'it
nous sommes quelques-uns à le penser
mais QUOI
Je reviens de loin
là où il n'y a pas d'horizon
où je n' EXISTE pas
mes images d'enfance apparaissent
elles nagent dans le mystère du sommeil
je vis ma vie à l'envers
c'est assez confortable
vous devriez essayer
ISN'IT
donc il reste des lieux et des images
j'ai beau me taire
elles sont là
c'est LA mon lieu d' EXISTER
le silence y est fécond
je m'absente
où irons-nous ensemble
l'image de l'ouragan apparaît
je me terre
je n'aime que les vagues
t'en souviens-tu
ICI est plus immobile
empreint de grandes réalités étouffantes
j'ai beau fumer
il en reste toujours quelque chose
cendres cendres cendres
A VENIR
je dois maintenant vous aimer
je dois raison garder
tout près de mon sémaphore
à l'aise dans ma guérite
je veille
nous sommes nombreux
c'est ICI qu'est ICI
Ainsi veillant je tremble
j'aspire à quelque renouveau
où la ligne deviendrait spirale
je monterais très lentement sur des cimes
inconnues jusque LA
voilà j'y suis
j'y suis bien
calme du LISSE des vagues
bleu gris tout en haut
Je regarde
je regarde enfin ce qui m'unit
à ce LIEU-LA
J'apporte quelques modifications
le mur d'enceinte sera de chaume
pour éviter que l'on s'y cogne
seuls quelques ouvertures par EN BAS
vers la planète
que rien ne dérange le beau silence du ciel
qu'on s'y rende avec précaution et respect
pour changer d'avec le rude désordre d' ICI BAS
on se refait les cils les yeux les paupières
on avance tel Orphée
l'atmosphère se fait plus rare
mais qu'importe
on est bien LA
Sans bagages et sans armes
juste un sifflement doux à nos oreilles
CHOUOUHH
chououhh
et qui va diminuant dès qu'on s'éloigne
Qu'est-ce que cette prairie au loin?
je crois la reconnaître...
est-ce bien TOI ou TOI qui y jouait?
Je dois remonter le courant parfois tourmenté EN DECA
inutile d'avoir peur
les algues bercent et te laissent flotter
Ophélie doit être ICI
une compagne de l'entre-deux rives
je l'aime avec ses beaux cheveux verts
mirifique forme humaine
Tous les pays ICI se confondent
c'est pourquoi on ne peut rien en dire
juste ALIGNER les éléments qui les composent
couleurs et formes s'entremêlent
la langue se heurte
on ajoute des trouvailles
creux bosses vallées trous rocailles cisailles
carmin ocre vert sombre soleil
mes yeux s'écartent pour VOIR
quand même empêtrés dans leurs noms difficiles
Je m'accroche au sol fuyant
je déserte la possible reconnaissance
pour aller vers L'AVANT
Je comprends qu' ICI n'est pas un lieu
juste l'illusion d'être QUELQUE PART
hier sur un mur de la ville s'affichait
« I am in nowhere »
auquel il serait judicieux d'ajouter
I am born in nowhere
c'est peut-être LA qu'il faut chercher
s'incliner vers cette provenance
cet acte d'un quelconque père
ICI devient alors ce qui est insupportable
mêlé à l'origine et à la fin
peut-être la mort de ma mère engendre-t-il un peu de la mienne
et donc me laisserait sans force à combattre
dans cette vie où JE ne s' appartiendrait plus tout à fait
j'ai les yeux grands ouverts
et je vois l'ombre qui s'approche
Que fait-on chaque jour contre les images?
Celles qui viennent nous assiéger sans qu'on crie gare
celles qui parlent dans la nuit
celles qui clignotent et craquent
comme pluie sur la cendre encore chaude.
J'aime à n'être pas justifiée
comme mon texte
j'aime à naître une autre
je vais m'approcher de cette lumière
qui trace une esquisse différente
comme un second pas sans souvenirs
Page blanche où vient ce qui vient ce qui n'est pas advenu ce qui bouge encore sans un geste ce qui laisse à deviner à couler dans le neuf à dire ce qui n'est pas encore
ALORS je ne parle pas encore
les yeux ont dû s'ouvrir loin de l'espace liquide
peu à peu se désarticulent les branchies
afin de laisser passer l'air
Flirte un doux souffle où mon cri s'apparente
je plonge dans l'espace sans comprendre
j'ai dû regarder aussi
oui j'ai dû
A maintenant celle sans regard
je tente le LIEU de nous
celui où s'est constitué un pays
-de mots de rives et de langage -
un pays maternel où lire mon ETRE ICI
Ce pays est une voix qui ouvre sur des portes
la maison s'ouvre et se ferme
mais toujours résiste à la disparition
certaines portes sont les miennes
d'autres réservées au frère, à la soeur
ou à tout autre qui ne fut presque personne
Alors je regarde la maison
alors je joue à apparaître à tous les âges
je joue à être l'être dissous désormais dans la mémoire
où ELLE n'est plus