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15 octobre 2010 5 15 /10 /octobre /2010 20:43

Lecture de Jean-David Lemarié

 

 

 

Déchiré

En quelques mots l’utérus

Poème clôt écartelé

Comme un vivant j’éclos

Quand je veux

Où je veux

Pantagruélique

Comme un vivant l’utérus

En quelques mots bien placés

Comme des bombes

Dans les coins qui font des trous

Des grands trous vides

Tout de silence après le cri

J’éclos où je veux

Quand je veux

Je me glisse

Dans  ces grands trous vides

Entre les lignes lambeaux

Je te saute à la gorge

D’un mot tu répands ton sang

Au cœur du poème

Et ça fait comme une nature

Morte

Avec des bourgeons de chair fraiche

On fait des montagnes

On fait comme des amas

Avec le sang

On trace comme des lignes

Comme d’autres bombes

Comme d’autres poèmes

Qui bourgeonnent

Dans l’utérus qui est ton œil

Ton œil est un utérus

Qui fabrique des bombes

Des bombes toutes de silence

Que tu gueules comme un slogan

Les sanglots longs

Suffocants, blêmes

C’est le débarquement

C’est le débarquement

Comme on bat des paupières

Alors !

Avant de respirer

Avant de naitre avant

De regarder sans voir 

Prend ta gorge à pleines mains

Prend là

Comme on étouffe un cri

Attaché au mâts

Avec un tour de plus

En dedans

 

Ça t’apprendra

A te croire

 

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13 octobre 2010 3 13 /10 /octobre /2010 17:21

 

 

 

Isohélies, c'est le premier recueil de poèmes d'un jeune auteur : Jean-David Lemarié. Et prometteur, le recueil ! (mais ça, vous aurez l'occasion de le constater par la suite, sur Tapages et ailleurs...)

Isohélies, c'est avant tout une technique d'infographie faisant écho au travail du poète. Va pour la métaphore visuelle. Mais il y a plus que ça : lors de la lecture, j'ai pu constater que le recueil de Jean-David Lemarié opère, au fil des pages, un retour à l'oralité originelle de la parole, que ce soit par des hommages à la chanson, des jeux de mots (même si le terme est réducteur), ou bien par des tentatives de matérialisation du son grâce à la typographie (comme dans "Ricochets sonores"). Il y a une volonté d'incarnation de la voix qui parcourt tout le livre et – dans une époque où les livres justement se meurent dans la poussière et les rayons silencieux des bibliothèques – le geste est plus que jamais le bienvenu : 

 

"Il tâtonne, il se tend, il se gonfle, il s'épand, poète, il s'éprend, de son monde intérieur, ailleurs, dans les méandres de son âme, constellée d'étoiles confites, il profite du rien pour créer amateur : il s'adonne, il se donne, amant, narcisse, il se ploie et se tend, la bâtisse se plisse, les rides se déploient et l'Univers s'étend." (p. 7)

 

Jean-David Lemarié nous sort de la simple page, pour nous offrir une matérialité engendrée par le corps et sa voix. Le son devient le moteur de l'écriture, sans pour autant laisser de côté la profondeur du poème. La voix, ses tâtonnements, ses bégaiement apparents, donnent lieu à un rythme assuré, martelé, presque physiologique, reflet du corps de l'auteur : il y a profération. C'est le réel qui est en jeu, et notamment la saisie du monde par le mot, comme dans "L'Abécédaire Subréaliste" (p. 17), qui tente de faire coller la lettre aux choses, et de créer ainsi une langue qui serait également un poème-monde.

Mais, malgré cet aspect expérimental, les poèmes atteignent tout de même une forme de lyrisme fragmenté et fragmentaire. Lyrisme lucide, dirons-nous (comme dans "Espérance"), où la matière autobiographique n'est jamais absente, et parfois sujette à l'humour : 

 

"Je me suis tour à tour
Appelé Innocence
Passé l'adolescence
Où je cherchais l'amour
J'étais Célibataire
L'âge venant je fus
Nommé Lemarié 
Puis le Vieux Grabataire
Ou El Desdidacho
Et c'est au cimetière
Où maintenant je crèche
Qu'on m'élut Vieux Débris
Bonne Brèche, ou Tas d'Os

Amoureux Econduit
Et rien qu'un peu de terre

Ô girouette des noms !" (p. 21)

 

Le recueil de Jean-David Lemarié, jusque dans une expérimentation poétique poussée, reste totalement et profondément humain, à la dimension de son auteur. Et même si le texte offre ça et là quelques belles envolées ("J'entends le son du temps qui disjoint les espaces" p. 7), le corps n'est jamais oublié : les pieds restent toujours ici, sur terre, dans la matérialité, lieu d'exploration du poète.

C'est que nous sommes tous faits de chair et de son.

 

 

Yannick Torlini

 

 

 

29136 386769041539 345382081539 4402914 2587507 n

 

 

Jean-David Lemarié, Isohélies, Editions du petit véhicule, Nantes, 2009.

ISBN 978-2-84273-726-9


 


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13 octobre 2010 3 13 /10 /octobre /2010 16:36

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12 octobre 2010 2 12 /10 /octobre /2010 09:58

 

 

 

 

 

gREVE GENERALe

sans fin

ni commencement 

 

 

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

 

I   N  C   R   É   O   N   S   !

 

 

 

PROCLAMATION

 

 AUX HABITANTS-HABITÉS
           

 

  DE LA PLANÈTE TERRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



    UNIQUE STÉRÉOTIPIQUE
   

     FOULES PLACENTAIRES !

 

 


         C   R   I   E   Z     T   A   I   R   E   !

 

 

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

 

Le passage de la révolution solitaire
à la folie, le monde et personne
l’organisent en société d’assurance
ayant les initiales de sa direction générale
pour sigle (D.I.E.U.)

À moins que personne et le monde
ne s’entrevivent avant.
 

 

 

 

 

Ghérasim Luca (1913-1994), Sept Slogans ontophoniques, Editions José Corti, Paris, 2008 (1964 pour la première édition).

 

gherasim luca1


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11 octobre 2010 1 11 /10 /octobre /2010 21:20

Passe encore un peu pourtant passe mortier de nos vies à

l’emporte-pièce passe ni quoi mais pourtant : une passerelle

même et le peu de voix qui s’échappe par tous les pores partout

dorénavant passe un terreau de sons pris dans la nasse même

de la langue la joue gonflée d’un résidu d’air substitut passe

condition du peu : passe

 

 

***

 

 

 

Palpite tout de même du peu : le cœur encore mais pris dans

l’étoffe de nos habits d’espace passe et demeure seulement

le geste seul : vivre mais encore peu ni même c’est toujours

plus que nous et nos fantômes de voix de gorge et de langue :

parole jusqu’à la lisière du corps et plus très loin

 

 

 

***

 

 

 

Nous dans le presque des jours nus nous

dans les fondations de nos quasi-présences nous

mêmes fichés dans la trame temps de glu encore

sans le pas qui joint à quoi encore à quoi bon

nos corps en retard dans la vie épileptique sans

chemin sans quoi passe-passe des existences dans

l’impasse d’être une voix nous encore mais

sables de bouche dans le sablier de maintenant

 

 

 

***

 

 

 

Comment vivre en palimpseste sans sol ni langue ni

comment mais faut-il toujours tendre vers l’absence

de mots la bouche emplie de graviers face à la mer

faut-il la vie palimpseste sans sel de nos jours et déjà

les voix se confondent sans rien dire je ne m’appartiens

plus je ne m’appartiens ni rien

 

 

 

***

 

 

 

Je n’ai qu’un hiver de déraison pour emplir le vide

de ma fenêtre qui crache ses lames de nuit partout je

ne suis que le cycle de l’invivable vue pour se taire jusque

invisible insaisissable insolence tout est un alors

que je suis deux perdu dans un corps incarné

infecté de vie même dans la plus faible bouchée d’air

irrespirable pas même un son à envier au silence du corps pas même

 

 

 

 

 

Yannick Torlini

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11 octobre 2010 1 11 /10 /octobre /2010 21:08

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11 octobre 2010 1 11 /10 /octobre /2010 21:04

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j’ai fait des trous dans ma vie pour y mettre mon vide

j’ai fait des trous de rien et dedans c’est le vide encore

c’est le vide dedans et dehors et un peu autour aussi et

je fais du rien avec vraiment pas grand-chose parce que

parce que c’est ma façon de vivre je fais du rien du tout

avec du vide et quelques trous de tout dedans et dehors

et moi je suis quelque part entre les deux mais c’est pas

grave je remplis mon vide avec tout ce que je trouve et

tout c’est rien y compris les trous que je trouve dedans

ma vie comme un pas de vis et moi je suis un boulon

un gros boulon de rien autour de la vis de ma vie de rien

ma vie c’est un pas de vis et moi je cherche le trou de

dedans cette putain de vie qui sert à mettre mon vide

mais les placards sont en option alors je range tout un

peu n’importe où entre le dedans et le dehors alors il

me reste qu’une vie avec des trous dedans mon corps

avec des trous aussi mais les trous ils servent à remplir

et à vider c’est des trous qui mangent et qui respirent et

qui défèquent la vie comme un vrai corps qu’on fait en

vrai même si mon corps il a des trous avec ma vie dedans

et que ma vie elle oscille entre le dedans et le dehors alors

quand je dis vie je dis trous et quand je dis vie je dis aussi

merde parce que les trous ils sont reliés entre eux parce que

les trous ils forment tout un réseau de vide et de plein parce

que les trous ils me servent à tout et même à exister un peu

alors la machine fonctionne on peut mettre plein de vide

dedans et plein de paroles et plein de mots et plein d’existence

et on peut partir en vacances avec on peut partir n’importe

où en emportant nos trous de vie et nos trous de corps avec

nos pièces détachées de nous parce que du langage on n’en

veut plus on veut juste des trous dans nos trous et des cris

dans nos gorges on veut juste des cris sans langage et puis

merde pour le reste de toute façon il y a des trous partout

 

 

Tristan Solman


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11 octobre 2010 1 11 /10 /octobre /2010 20:52

Golem présenté sur le blog de Yannick Glaas : ici

 

Le silence ! et le froid chez moi qui gémit
Tu le sens ?! qui glisse au creux de tes bras
Sur le bord des fenêtres grises ! Et ton œil
Coule. Et se déchire ! J’entends les cris noirs
Du béton, le bruit des roues qui frappent
Tous ces mots, la violence qui te submerge et
Frappe ! Frappe en silence les yeux qui piquent
La vieille chouette en silence et le froid
Ecoute ce que tu ne peux pas entendre
Le cri du gris qui passe au creux de moi
Comme une lame ébréchée, le sang séché
Dans ma bouche qui fait silence, silence, silence
Pourquoi crier ? quand on est seul que
Ça donne mal à la gorge de crier, pourquoi ?!
Qui afflue, qui reflue, comme la marée grise
Parfois laisse entre les mains des débris de rire
Décharné, qui tressaute et se moque de toi
Comme ces couleurs que tu as vues au fond du silence
Comme en rêve. Alors ! tu ne fais que ça
Qui sort de ta bouche et que tu façonnes
Entre tes doigts, GOLEM ! que tu jettes
Contre le mur, tu casses les fenêtres
Et tout cela sans bouger , sans jamais
Bouger les bruits que tu entends comme
Une aspirine, n’existent pas, n’ont jamais
Existé ! sans expression tu crées la matière tu
Crées la matière en dedans, toujours plus de
Boue de tes pensées, toujours plus de poèmes
De mots golems, toujours plus de murs aussi
Les dents serrées, les paroles tournent dans ta bouche
Et tu les entends tourner en gémissant, tu les entends
Qui n’existent pas, il n’y a que la feuille blanche
Qui est grise et tu as beau la crever en pensée
La déchirer, elle reste grise, et on viendra
Ta la prendre grise, toujours, grise la page blanche
Les pensées vaincues qui se heurtent aux dents d’aciers
Tu es débordé, tes cheveux comme des mauvaises pensées
Qui poussent, poussent, et sortent au dehors
Avant de se dessécher, seul contact avec la réalité, seul
Contact les cheveux comme du lierre qui courent
Et cassent, cassent le mur avant de mourir !
Seul savane, seul espace de liberté desséchée et pourrie
Qui a vu le jour, le vrai jour, entre les dents, entre le mur
Au creux de toi, tu vas plus vite, toujours plus
Vite, la matière, tu continues à créer
Ce que tu mettras en forme après, petit poème
Petit golem, ça bave ! trop, trop de mots silence, tu
Vas devoir couper, tu te vois couper ! trancher dans le vif
Du poème que tu éclateras contre le mur
Comme des boules de neige de boue, que tu tiendras
D’abord dans la main comme un petit oiseau et
Tu le nourriras ! en te faisant
Régurgiter tout ce gris, tout ce silence qui
Volera, il volera le silence un instant avant
D’aller s’écraser, là bas, contre le mur, un battement
De poème, un battement de golem au creux de tes mains
Un instant, alors ! tu régurgites, te fait vomir, pour le golem
De plus en plus vite, encore ! la bile
Abyme du silence, liquide et dégueulasse, le silence
Qui se désagrège et puis tu n’as plus rien dans le
Ventre. Rien que le golem au creux des mains que tu bouffes
Oui ! tu bouffes le poème pour avoir plus
A donner la prochaine fois, plus de silence, plus de gris
En cube, un instant et tu recommences, voler !
Sur le mur, tu régurgites encore et encore, le gris
L’instant, tu crées la matière, toujours plus de mots
Que tu façonnes, tu bouffes et vomis comme tu battrais
Des ailes si tu en avais des mots pour créer un courant
D’air, de mouvement dans ce monde de pensées IMMOBILES qui
Ne change PAS, jamais ! tu veux
Créer un battement de mouvement, un
Instant d’ailes que tu ferais sortir de ta tête en gémissant qui
S’agripperait le long de tes cheveux en tournoyant et qui fracasserait
Le mur ! pendant un instant faire bruisser la réalité
Un silence d’ailes, blanc, pour un autre
Silence léger durant un instant ouvrir
Les yeux et AGIR sur le monde et sur le gris faire
Un point de crayon sur la feuille une
VIRGULE, juste une VIRGULE qui déchire
De plus en plus vite, tu bouffes le golem
Devient de plus en plus
Le poème éclate ! éclate !  
ECL AT E et

Pourquoi ?
Crier dans le vide quand on est seul
La magie a disparu de nouveau la boue le silence
Tu as du gris sur les yeux, rien n’a changé ce n’était 
Qu’un battement de cœur un peu plus fort, Peut-être
Le chant du cygne

 

 

Jean-David Lemarié 


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