la cuisine ne suit pas de recette
la cuisine ne répète pas les savoir-faire
la cuisine continue d’inventer un rapport matériel à sa propre destitution
car cette cuisine ne peut appeler notre réunion que si en elle brûle l’institution des recettes et des savoir-faire
la cuisine n’est ni simple
ni élaborée
ni nouvelle ni traditionnelle
car les catégories mettent toujours de l’immangeable dans les bouches
de l’indigeste dans le ventre mou de l’époque
la cuisine n’est ni intégrée
ni désintégrée
car il faudrait alors présupposer un ensemble contraignant de normes
et un certain nombre d’éléments ordonnés selon les évidences de l’ergonomie
même s’il s’agit finalement d’en refuser l’expérience
ou d’en désorganiser les fins ou d’en détourner les propriétés
l’ergonomie n’a d’évidence que si l’on sait déjà quelles formes les corps peuvent prendre dans un agencement où seule leur passivité est appelée à triompher
défaire le confort de l’ergonomie
le détourner vers des formes d’inconfort
a pu paraître un temps suffire
quand il s’est agit de déplier sous la lampe ignoble de l’histoire les constructions complexes et les angles morts de l’humanisme
mais la lumière jetée dans le noir ne suffit pas à réinventer le jour
et passé le moment de la commotion devant l’étale cohérence des contradictions de l’humanisme
devant la plasticité de l’horreur jusque dans l’esthétisation extrême des formes de vie qu’elle induit
il ne peut suffire de renverser la table pour en terrasser la monstruosité
la monstruosité terrassée demeure la monstruosité
ni le constat ni le triomphe ne peuvent espérer ouvrir une liberté telle qu’elle se définirait sans l’aune du constaté et du vaincu
cette liberté dès lors ne saurait être libre au point de ne pas savoir qu’elle ignorance elle met au devant des hommes
dans l’anthropologique à venir
et non dans la crispation sur des prises critiques qui prennent plus qu’elles ne sont tenues
et qui font finalement le triomphe du vaincu en tant que vaincu
ce qui lui assure toujours un pouvoir total sur la réalité
car c’est lui qui tient la lampe et l’oriente
dans la cuisine
la politique de la chaise vide continue la politique des assis
l’absence l’abstention la tentation de l’abstraction les tractations avec le silence
demeurent de l’ordre de la chosité admise de la chaise
changer de point de vue sur les propriétés de la chaise ne peut se faire sans la persistance d’un point de vue plus ancien
et fermer les yeux produit une chaise plus chaise encore de n’avoir à susciter qu’un assoiement abstrait que la mémoire des gestes déjà gesticulés fait passer pour un universel
dans la cuisine il s’agit à présent de s’asseoir sans chaise
sans même avouer le sans
ni la chaise
de manière à ce que la chaise ne puisse jamais se hisser jusqu’à la position de force d’une illusion découverte
laquelle sinon resterait efficiente et prégnante en sa plasticité dont chaque paire de fesses serait l’idiot utile et le silencieux complice
il y a dans cette cuisine
qui n’est pas une cuisine
des façons d’être nus qui n’exigent en rien l’invention de la chaise
qui n’auraient pu en nul esprit faire naître l’idée de chaise
des façons de corps qui n’en appellent
ni au repos
ni à la pose confortable des réunions avérées
ni à aucune forme déjà connue de face-à-face
ton corps nu dans la cuisine efface la cuisine
pour nulle alchimie
et n’exige nul ustensile