Tapages, c'est les attardés de l'avant-garde. Tapages, c'est du réchauffé, parce que la cuisine c'est pas notre truc. Tapages, c'est ceux qui croient qu'on a encore un corps en état de fonctionner. Tapages, c'est ceux qui pensent que le poème est un corps en action.
nous avons marché et marché et marché sans cesse l’œil et l’oreille attentifs à tout changement à tout glissement imperceptible dans cette condition non-renouvelable chaque matin la colère la sainte colère qui nous a fait marcher et marcher et marcher jusqu’ici et sous terre et dans l’ombre des pierres racines branches ronces cette colère lorsque nous avons su que plus rien plus rien plus rien et nous qui sommes-nous où sommes-nous et peut-être déjà boue déjà sel déjà cailloux et ombres en mouvement non nous n’avons jamais su en fait nous n’avons jamais su nous avons seulement marché quand tout nous abandonnait quand tout se disloquait le chant des oiseaux déjà imperceptible l’étrange résonance de nos semelles la plaie refermée et cette faim très loin très boue très sol nous avons marché et toujours la douleur mais nos corps légers comme si les os déjà plus avant que nous déjà ailleurs nos corps légers nos os nos fractures nous avons marché et nous seulement des ombres un sifflement peut-être le courant d’air qui vous frôle parfois quand tout est si muet dans vos intérieurs nous seulement de l’air des ombres glacées notre colère toujours le refus de nous résigner nous avons marché et marché et marché encore des kilomètres des années des sommeils en attendant la nuit en espérant la nuit et le repos mais jamais et ces balles ces bombes ce feu sans cesse dans nos têtes nous avons avancé vous nous avez méprisés et vous saviez vous saviez que nous plus longtemps plus très chair plus très loin malgré tout vous saviez et le paysage qui défilait sous nos pas nos respirations rauques vous saviez et nous avons avancé refusé et même lorsque la terre la caillasse dans nos bouches et même lorsque la terre vous saviez crier souffler aimer nous avons beaucoup aimé oui nous avons passé notre vie à aimer oui et maintenant que nous sommes seuls maintenant sur le chemin et maintenant que la boue et le désert et l’attente nous aimons encore mais d’une façon plus distante plus imperceptible plus subtile aussi nous aimons encore oui en marchant en avançant vers la limite vers la nuit vers le désert qui gagne nous seulement ombres seulement vent points obscurs si lourds de la terre dans nos bouches si lourds de mots oui nous le désert avons marché et marché et marché en nous demandant en nous demandant toujours en respirant aussi en crachant des mottes de terre tout le long de notre passage nous avons écouté les merles corneilles pinsons mais le silence seulement le silence nous avons écouté seulement rien et peut-être nos oreilles disparues ensevelies peut-être nos oreilles nous avons marché toujours attentifs à l’improbable à ces lendemains et vos portes aussi closes que vos corps et vos pensées comment accueillir l’inacceptable le déséquilibre nous avons marché et marché et marché encore en funambules et nos dents éclatées nos mâchoires brisées nous avons marché attentifs à ce soir qui ne vient pas attentifs toujours et dans nos yeux l’espoir du repos de la limite et d’une vie plus tellement courbatue nous avons marché et marché et marché encore