Tapages, c'est les attardés de l'avant-garde. Tapages, c'est du réchauffé, parce que la cuisine c'est pas notre truc. Tapages, c'est ceux qui croient qu'on a encore un corps en état de fonctionner. Tapages, c'est ceux qui pensent que le poème est un corps en action.
Passe encore un peu pourtant passe mortier de nos vies à
l’emporte-pièce passe ni quoi mais pourtant : une passerelle
même et le peu de voix qui s’échappe par tous les pores partout
dorénavant passe un terreau de sons pris dans la nasse même
de la langue la joue gonflée d’un résidu d’air substitut passe
condition du peu : passe
***
Palpite tout de même du peu : le cœur encore mais pris dans
l’étoffe de nos habits d’espace passe et demeure seulement
le geste seul : vivre mais encore peu ni même c’est toujours
plus que nous et nos fantômes de voix de gorge et de langue :
parole jusqu’à la lisière du corps et plus très loin
***
Nous dans le presque des jours nus nous
dans les fondations de nos quasi-présences nous
mêmes fichés dans la trame temps de glu encore
sans le pas qui joint à quoi encore à quoi bon
nos corps en retard dans la vie épileptique sans
chemin sans quoi passe-passe des existences dans
l’impasse d’être une voix nous encore mais
sables de bouche dans le sablier de maintenant
***
Comment vivre en palimpseste sans sol ni langue ni
comment mais faut-il toujours tendre vers l’absence
de mots la bouche emplie de graviers face à la mer
faut-il la vie palimpseste sans sel de nos jours et déjà
les voix se confondent sans rien dire je ne m’appartiens
plus je ne m’appartiens ni rien
***
Je n’ai qu’un hiver de déraison pour emplir le vide
de ma fenêtre qui crache ses lames de nuit partout je
ne suis que le cycle de l’invivable vue pour se taire jusque
invisible insaisissable insolence tout est un alors
que je suis deux perdu dans un corps incarné
infecté de vie même dans la plus faible bouchée d’air
irrespirable pas même un son à envier au silence du corps pas même
Yannick Torlini