Tapages, c'est les attardés de l'avant-garde. Tapages, c'est du réchauffé, parce que la cuisine c'est pas notre truc. Tapages, c'est ceux qui croient qu'on a encore un corps en état de fonctionner. Tapages, c'est ceux qui pensent que le poème est un corps en action.
Les Cahiers de la rue Ventura est une jeune revue dont le premier numéro est paru en 2008. Jeune revue, mais pas tant que cela : on sait combien il est difficile aujourd’hui de faire vivre une revue de poésie, passant en-dehors des grands circuits, car les grands circuits en poésie… il n’y en a pas (ou peu).
Claude Cailleau assume brillamment cette tâche. Auteur au parcours atypique qui, après trente ans de silence et un premier roman paru aux éditions Julliard, a publié une biographie de Pierre Reverdy, il décide en juillet 2008 d’écrire un numéro consacré entièrement à Julien Gracq, numéro qui deviendra la première publication des Cahiers de la rue Ventura.
C’est donc avec un grand plaisir que Tapages reçoit la cuvée de décembre 2012 : le numéro 18 de la revue Les Cahiers de la rue Ventura vient en effet de paraître, avec un sommaire assez éclectique, qui est tout à fait le bienvenu : Jean-Marie Alfroy, qui nous parle de Thelonious Monk, Yves le Marchand ou Bernard Grasset, avec ses souvenirs d’écriture, « l’art […] de l’intériorité et du silence » (p.4), pour des styles plutôt classiques et en finesse, ou bien Claude Vercey pour son « poème normal », suite de variations pleines d’autodérision sur la condition de la poésie en France.
Notons aussi la présence au sommaire d’Anne-Lise Blanchard, avec trois poèmes qui dansent sur l’instabilité de la langue : « Etrangère à elle-même/hors d’elle en/quelque sorte/seul un portement/de Dieu si attendre quand/la route devenue presque/désastre/en son oscillement de/gibbeuse/repousse l’achèvement/qui lui colle au corps » (p34)
Le numéro 18 des Cahiers fait la part belle aux écritures étrangères : Chryssoula Katzianaki (Grèce), Kéla Apostolova (Bulgarie), ou Gilbert Lévesque (Canada). En des temps où la poésie, de par son morcellement en tant que genre, a plus que jamais besoin de se regrouper, de se créer une unité, une force, malgré, ou plutôt grâce à sa diversité, la démarche des Cahiers de la rue Ventura est absolument la bienvenue. Puissent les voix poétiques, aussi singulières soient-elles, ne pas cesser de se faire écho.
Yannick Torlini
Les Cahiers de la rue Ventura, N°18, décembre 2012
6 euros le numéro
22 euros l’abonnement (4 numéros)
http://clcailleau.unblog.fr/