l’as-tu en tête cette cuisine
mais déjà je sais que cent fois elle fut l’unique envol de ta tête
si bien que cent fois
(mais le nombre n’est pas même une approximation
puisque tombant nous ne pouvons compter)
cent fois déjà la cuisine
et ta tête
se sont mutuellement effacées du décor
et ni ta tête ni
la cuisine
ne peuvent être une scène sans arrêter la théâtralité de notre rencontre
la blancheur des assiettes est le seul décor inamovible
et leur lumière ne se fixe jamais sans aussitôt arrêter le réel en plein rêve
reste une théâtralité sans théâtre
un décor sans lieu
puisque le vide est le décor plein d’un événement inassignable
qu’on ne peut isoler dans le continu lumineux d’une chute
tomber dans tomber
mais la caducité des modèles en fait un chemin où seul l’arrêt serait dangereux
une idée claire et distincte est le sol étal de la cuisine
la vitesse est notre seule survie
puisqu’elle seule infinit notre face-à-face avec l’infini
je dis vitesse
mais je pourrais tout aussi bien dire trouble
et je pourrais le dire très lentement
en surarticulant chaque instant de l’événement qui presque efface
fond entre eux tous les visages que nos bouches dans l’air font naître il y a foule
oui
il y a foule
dès lors que nous sommes en marche
nous sommes nombreux
nous sommes dans cette cuisine un nombreux
un des nombreux nombreux du monde et tellement
qu’on ne peut plus se compter