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23 février 2012 4 23 /02 /février /2012 18:39

 

 

 

 

Le paysage vu d'ici n'est qu'intérieur. L'espace d'un temps révolu déjà, le lieu de croyances et d'espoirs grands ouverts.
Tu regardes le voile de pudeur fragile qui masque le miroir, tu contemples l'image abîmée, policée ou purifiée par la blancheur du voile, tu contemples l'image vaporeuse qui te ressemble, qui côtoie sans pâlir les jours d'habitude, l'acidité du doute qui tient parfois, l'insouciance sereine des contemplations émerveillées.
Tu regardes le voile, surtout le voile, plus que l'image, le voile lui-même, gazeux, gracieux. Il fait écran entre deux mondes qui se ressemblent, qui n'ont rien à s'envier, de chair, plaisants à voir, sans heurt et comme absents l'un à l'autre.
Rien n'aurait laissé imaginer que de ce côté-ci, entre le voile et toi, entre l'image, le miroir, le voile et toi, entre l'image-mirage, la tienne tout de même, ton image en quelque sorte et toi-même, que là la matière ait pu se creuser qui entraînerait la brèche voire l'irréconciliable.
Rien.
Ou peut-être si, une fine pellicule opaque, inquiétante quelquefois, qui protège le ciel de tes regards quand tu décides, épuisé, de t'en remettre à ses recommandations.
Celle encore des brumes matinales qui t'envoie sans considération pour ta mutique résistance, vers ton devoir quotidien, le drôle de plein des jours qui par moments, lorsqu'on s'y penche de près, te glace tant il s'apparente au chemin de déroute, à l'aiguillage inavoué qui te pousse, pousse au dos, toi qui ignores tout et qui courageusement, regrets et aspirations amers tenus serrés, te rends, docile, exactement là où il faut ; celle qui te dérobe même parfois le rayonnement des jours et le ravissement sans retenue des heures passées sous le ciel chaud.
Ou ce voile le long des mers, celui qui te refuse la possibilité d'en être, de t'abîmer dans la masse liquide, de t'y abreuver sans compter, de t'y couler et d'oser pour ainsi dire prendre l'eau ou te confondre au monde aqueux mêlé de nuées.
Ou bien l'écran qui floute les silhouettes aimées, qui gomme le sens des paroles qu'on t'adresse, si le temps faiblit, la foi s'émousse et qui travaille, habile à transformer insensiblement, en entamant la forme-même, à dévoyer le contenu du langage et tu n'y comprends rien, ce sont soudain des étrangers errant loin de toi qui vogues, emmêlé dans l'opacité de ce brouillage, encore bien plus loin qu'eux.
Peut-être tout cela réuni, ces légères couches superposées qui, s'accumulant, s'emparèrent du miroir-même, te séparant insidieusement, te condamnant même à manquer d'air, toujours repoussé de ce côté-ci ; t'enjoignant de ne pas oser déchirer le tissu, t'engouffrer, t'évader leste et fier de l'autre côté, là où le monde naît.
Vu d'ici le paysage n'est qu'intérieur et le coeur veille.

 

 

 


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